BW

2009-2011

Montre-bracelet mesurant les millénaires, socle, verre teinté et en acier inoxydable, micro, haut-parleurs, édition de 10

En collaboration avec Roman Winiger, horloger

Collection de l’artiste

 

BW
BW

BW (Black Watch ou Bernatchez/Winiger) est au centre du cycle Lost in Time. Élaborée en collaboration avec un horloger suisse, elle ressemble à une montre-bracelet habituelle, mais son cadran n’affiche ni les secondes, ni les minutes, ni les heures ; en fait, son aiguille unique mettra mille ans pour effectuer une révolution entière. Le temps compté par la BW n’est pas de l’ordre humain et, tandis que les choses autour d’elle vieillissent et périssent, la BW reste immuable sur son socle, poursuivant son décompte.

L’objet – aussi séduisant soit-il – devient ainsi obsolète pour l’usage quotidien de l’être humain, celui-ci ne parvenant pas à y lire l’heure. Même une vie entière ne représente qu’une infime partie du cadran. Plus qu’un objet ou un bijou banal, elle devient, de par l’inaccessibilité de son information et la projection de sa temporalité, un « memento mori », un rappel de notre mortalité, confirmant le fait qu’une vie – voire plusieurs – ne suffirait pas pour voir une révolution complète de cadran.

Définition : memento mori

Expression latine qui signifie « souviens-toi que tu vas mourir ». Le terme est souvent utilisé pour désigner des œuvres dont l’intention est de rappeler au spectateur sa propre mortalité.

Évidemment que mon travail peut paraître sombre, peut-être même noir pour certains, mais il est plutôt rose tendre, bien pâle et presque diaphane comparé à la réalité. Quand j’aborde un sujet « sombre », ce n’est pas parce que la mort me fascine, mais plutôt parce que le sens de la vie m’échappe. Bien sûr que je me résigne à cette fin aussi, et pourtant, comme la plupart, j’ai envie de vivre, et pour mieux y arriver, j’invente des mondes. Lors de la réalisation de mon plus récent film, j’ai redécouvert certaines des idées d’Henri Laborit en relisant notamment La nouvelle grille et L’éloge de la fuite et en écoutant différents entretiens qu’il a accordés à la radio dans les années soixante-dix et quatre-vingts. Il évoque souvent le pouvoir de l’imaginaire et de la création comme moyen de fuir notre réalité souvent bien contraignante, du moins pour la plupart d’entre nous. Créer, c’est sans doute un exutoire sans pareil qui m’aide à avancer dans ce brouillard de questionnements.

(Patrick Bernatchez dans Muhlen, Kevin, « Entretien avec Patrick Bernatchez », Patrick Bernatchez.
Les Temps inachevés, Luxembourg, Casino Luxembourg ; Montréal,
Musée d’art contemporain de Montréal, 2015, p. 100)
BW
BW